samedi 1 novembre 2025

Baignades - Andrée A. Michaud



   Les autrices québécoises ont la cote, cette année. Plus je les lis, plus je découvre des plumes, des artistes de la langue, des textes innovants, qui m'inspirent dans ma propre exploration de l'écriture. Andrée A. Michaud est, pour moi, une nouvelle et heureuse découverte, malgré plusieurs romans déjà parus et une réputation bien établie. (L'autrice a remporté deux fois le prix Rivage des libraires, ce qui est digne de mention).

    C'est là, je crois, que réside toute la force de ce roman. Dans l'écriture et dans le travail du langage. Car l'histoire de Baignades ne brille pas par son originalité : elle reflète quelque chose de l'ordre du déjà-vu et propose des codes, presque des tropes, du genre de l'horreur et du thriller. Une famille en vacances dont le séjour tourne au cauchemar. Une forêt hostile sous une pluie battante. La nuit épaisse comme unique témoin de l'horreur. Jusqu'ici, aucun de ces éléments ne se réclame d'une subversion des clichés; au contraire, l'autrice les utilise et explore leurs conséquences tragiques. Mais ce qui distingue Baignades de ses homologues est sa poétique. L'intrication de la composition de la phrase avec le choix du vocabulaire permet à la narration de s'élever sur cette singularité tant revendiquée. Car, oui, Andrée A. Michaud propose là quelque chose de neuf sur le terrain formel. Elle opère un certain charme sur la langue, rendant celle-ci si captivante qu'elle fut, pour moi, l'unique prétexte de ma lecture; la plume supplantant l'histoire qu'elle raconte.

    Or, il serait quelque peu fallacieux de prétendre que l'originalité de Baignades ne repose que sur son style. L'autrice va, en réalité, plus loin que ce que l'arc narratif du genre offre à ses lecteurs, en proposant une seconde partie au roman. En effet, la structure narrative d'un thriller est traditionnellement constituée d'une résolution, consistant à capturer le méchant ou à résoudre l'énigme; Andrée A. Michaud va, elle, au-delà de cet archétype. Elle explore et sonde les conséquences du drame sur ses victimes et sur celles, collatérales, des liens familiaux.

    Cette seconde partie se situe quatre ans plus tard, lors d'une réunion familiale, profondément marquée par le poids du drame, des secrets et des silences. À travers les yeux de Madeleine, la mère et grand-mère des victimes, le lecteur assiste à l'effritement, puis à l'éclatement du nœud familial. Se joue là " l'après ", les conséquences secondaires, l'a posteriori, souvent négligés par la narration : Andrée A.Michaud propose une résolution narrative introspective. Car cette seconde partie ne se contente pas d'explorer les enjeux d'une dynamique familiale profondément bouleversée, mais de montrer un autre visage de l'horreur. Au terme du récit - et sans trop vouloir divulgâcher la fin du roman - l'autrice révèle combien l'enchaînement des doutes, des certitudes ébranlées et des non-dits diabolisent la réalité; et conduisent, peut-être, au pire.

    Baignades est un roman d'horreur construit en deux temps. Un premier temps, rapide et rythmé sur une forme d'horreur plus active, extérieure, voire concrète dans sa représentation, et un second temps, plus lent, plus abstrait et axé sur l'introspection.

    Et en prélude à ses deux temporalités, à ses deux formes narratives, les lacs sont les instigateurs involontaires des drames; de baignades innocentes en famille jaillissent l'horrifique et l'angoisse.

jeudi 16 octobre 2025

Daddy Issues - Elizabeth Lemay

 



    Que j'aime ces rencontres littéraires, ces instants fugaces où l'on se perd au cœur d'un récit, d'une écriture ou d'un univers. Que j'aime ces moments là, où confinée dans mes divagations solitaires, l'âme du livre jaillit jusqu'à moi et m'inspire, me porte à vouloir écrire et à déposer avec fureur ce qui me submerge. Il insuffle quelque chose d'insondable, une atmosphère, une poétique, une permission; ce qu'il contient autorise à être et à oser.


Il y a tant de choses soumises à la critique. Tant de sujets, de réflexions, de sentiments passés au crible que, parfois, du moins pour moi, ils résistent à trouver leur légitimité sous la plume. Je me demande quelle place aura tel point de vue, et s'il la trouve, le romanesque qui le divulgue n'aura-t-il pas cette tonalité du sentimentalisme, cet excès d'affectuosité qui nuirait à sa justesse ? Ce sont des questions qui me troublent lorsque j'écris; et puis, telle une planche de salut, des romans comme Daddy Issues procurent l'assurance que, oui, tout à sa place. Tout peut-être raconté.


Daddy Issues est le récit d'un cliché, celui d'une femme, maîtresse d'un homme marié. Le stéréotype ne s'arrête pas là : elle est jeune, il est plus vieux qu'elle et il n'a ni l'intention de quitter sa femme ni l'envie d'afficher cette relation adultère. Tout ce qui joue entre eux repose sur l'attente et la sexualité; confinés dans une chambre, ils ne partagent rien d'autres que ces instants fugaces et désespérés. Ça et la littérature.


Elizabeth Lemay donne voix à la maîtresse, à cette autre qui se situe dans l'ombre et qui n'a de légitimité que dans le plaisir qu'elle donne; le roi, ainsi nommé par l'autrice, ne lui accorde que la jouissance qu'il en tire. Mais ce qui diffère, dans ce récit, est l'assentiment de la maîtresse à son destin, actrice consentante de cette relation asymétrique où, amoureuse, elle se donne sans exigence. Elle se soumet à cet amour unilatéral, pénible, et le capture dans toutes ses complexités et ses paradoxes, entre illusions romantiques et éclairs de lucidité. Car cette femme se révèle bien plus nuancée que le rôle de la pute ou de la fille sans père dans lequel la place le stéréotype; à travers ses lectures, Annie Ernaux, Hubert Aquin, Marguerite Duras, elle prend forme, s'epaissit, et atteste de son humanité. De son droit à exister dans cet amour agonisant et sans espoir.  


Au centre de ce témoignage tragique, la plume d'Elizabeth Lemay revitalise le récit par cette poétique dépouillée que j'aime tant. Pas d'effusion ni trop de sentimentalisme, et pourtant assez riche pour plonger au cœur des contorsions de l'âme, le style m'a porté et happé vers cet esthétisme de la narration qui rend l'inconcevable, l'incompréhensible et le tabou, acceptable. Et presque beau.


Et c'est là, aussi, que se situe mon amour de la littérature. Dans cette épreuve du récit qui touche et qui ose. Dans cette exploration intérieure qui n'est ni accusatrice ni insolente, juste qui s'éprouve sur le terrain de l'écriture et découvre sa légitimité à exister.



vendredi 10 octobre 2025

Samouraï - Fabrice Caro

 




    Parfois, lorsque je termine un livre, une seule envie me prend, celle de dire " Merci".

    Je m'imagine écrire à l'auteur un long message de remerciements, et lui dire que, même si son roman n'est pas l'œuvre du siècle, il m'a apporté une espèce de fulguration consolatoire, une parenthèse dans les contingences de mon existence. Là, je m'épancherais en de longues phrases, parfaitement élogieuses, afin d'exprimer mes impressions; enfin surtout celles de mon soulagement, parce que " Cher Monsieur Caro, vous m'avez fait rire, vous m'avez libéré des ancres ankylosées du quotidien".

    Voilà, je lui avouerais, sans pudeur, que dans ce monde où les éclats d'enchantement peinent à surgir, son livre en était un. Je lui dirais que je l'ai lu sans jamais me laisser distraire par mes pensées inquiètes, et qui s'invitent si souvent au milieu des histoires; et que c'est cette légèreté du récit, son humour aussi, son personnage surtout, qui les ont éloignés.

    Samouraï, c'est l'histoire d'Alan, un écrivain raté, qui vient d'être quitté par sa petite amie Lisa pour un universitaire spécialiste de Ronsard. " Tu veux pas écrire un roman sérieux ? " est le dernier conseil qu'elle lui a lancé, et depuis, Alan recherche ce fameux sujet "sérieux" en s'y plongeant avec la discipline d'un guerrier samouraï. Sauf qu'il doit s'occuper de la piscine de ses voisins partis en vacances, et qu'elle ne cesse de se troubler et d'être envahie par des notonectes. Sauf que son ami d'enfance se suicide; et c'est sans compter sur ses amis Jeanne et Florent qui décident de reprendre sa vie amoureuse en main.

    Alan, c'est Monsieur tout le monde. Derrière ce rôle d'anti-héros qui ne sait pas dire non, maladroit et gaffeur, angoissé par le syndrome du volontaire, se trouvent toutes les failles de l'Homme - avec un grand H, oui; parce qu'il n'y a rien, dans ce personnage, qu'une femme ne pourrait pas avoir elle-même ressenties. Car, même au plus près de ma féminité, j'ai trouvé des similitudes, des pensées partagées, des maladresses commises; et toute cette absurdité de la vie qui s'épanche dans le sillage d'Alan trouve écho à mes propres chemins de réflexion. Voilà, tout ce non-sens, les vies fantasmées, les vies cachées, les vies non-vécues, tout se joue là, dans ce roman, avec humour et délire.

    Alors, merci, Monsieur Caro. Quoi que l'on puisse penser de votre roman, en bien ou en mal, moi, j'y ai vu une esthétique de l'humain certes médiocre, mais pas mauvais, élevée sur les rangs de la normalité et de l'humour. Merci de m'avoir offert cette pause hors du temps, une pause composée enfin de sourires et de rires, alors que s'épanchent, autour de moi, les traces de la vraie médiocrité : la méchanceté.

samedi 4 octobre 2025

Martine à la plage - Simon Boulerice

 



    Voilà un roman au contenu intéressant puisqu'il propose une prise en main singulière de la lecture en mêlant le texte à l'image. Je ne parle ici ni de bande-dessinée ni de roman graphique, mais d'un format hybride où l'espace de la page est le lieu d'un dialogue entre narration calligraphiée et narration imagée. S'y entremêlent, jeu typographique - gras, italique, choix de polices variés - jeu de la forme narrative - théâtre, narration homodiégétique, voix off et omnisciente - et jeu de la composition - illustration et mise en page - dans un ensemble dynamique et plutôt rafraîchissant.

Car oui, ce format insolite change le rythme et les habitudes, et propose quelque chose de neuf sur le terrain de la lecture. Le hic, c'est qu'il expose l'œuvre à une double exigence critique; et là où mon indulgence de lectrice profite au roman, mon expérience d'illustratrice, elle, porte un regard plus sévère.

Mais, parlons d'abord du texte de Simon Boulerice. Martine à la plage, dès le départ, m'a fait penser à la série d'albums des Martine, bien connue des enfants, et qui met en scène les aventures d'une jeune fille parfaite et plutôt lisse. En contraste, l'ouvrage de Simon Boulerice, raconte l'histoire d'une adolescente livrée à elle-même et qui tombe folle amoureuse de son voisin Gilbert, un optomètriste albinos. Loin de son homonyme belge, cette Martine-là bascule dans l'obsession, voit des fantômes dans l'angle de ses lunettes; et sans se départir de sa folie, à la fois naïve et fantasque, se révèle plutôt cruelle et choquante. Il est donc question d'une description de l'adolescence dans sa pleine férocité, crue, parfois pathétique; non sans s'exprimer dans une plume qui mêle austérité et excentricité. J'ai retrouvé, chez Simon Boulerice, cette sobriété de la langue que j'affectionne tant, ni trop clinique, ni trop sentimentaliste, tout en étant agrémenté d'une tonalité réaliste, surfant entre le rire et le drame.

Si j'ai été séduite par ce court roman, les illustrations, en revanche, n'ont pas su autant me charmer. Luc Paradis a un style "faussement maladroit" - en rupture, sans doute, avec l'imagerie parfaite des Martine - et propose un crayonné qui semble calqué : la ligne paraît reproduire les contours d'images déjà existantes. La maladresse revendiquée, quant à elle, se trouve moins dans les erreurs d'anatomie - en particulier sur les visages- que dans la naïveté du trait : il y a dans le style de Luc Paradis quelque chose du réalisme et de l'enfantin; un mélange antinomique qui heurte parfois l'oeil.

Au-delà du constat que les illustrations apportent une expérience visuelle franchement intéressante et qui n'est pas pour me déplaire, elles peinent, je crois, à rendre justice au roman de Simon Boulerice. Certaines d'entre elles - et ici je pense à une reproduction fidèle du plan du réseau de la STM (métro de Montréal) - ne reflètent pas toute la complexité et la profondeur psychologique de l'œuvre. Se joue dans Martine à la plage les nombreuses intrications de l'adolescence, et si en surface le style de Luc Paradis évoque bien cette transition complexe entre l'enfance et le monde adulte, il ne montre pas tout à fait la cruauté, l'obsession et parfois, la violence, qui la caractérise.

Martine à la plage est un roman sur l'adolescence destiné aux adultes. Les illustrations, elles, m'ont en réalité donné la vague impression, obsédante comme une épine dans le pied, d'avoir affaire à un roman destiné aux enfants.


jeudi 2 octobre 2025

L'ombre de la baleine - Camilla Grebe

 



    Il fut un temps, lointain me semble-t-il,  ma passion littéraire ne jurait que par les polars, les thrillers et les romans noirs. Le contenu de ma bibliothèque témoignant de cette période frénétique, les romans de Lehane, Ellroy, Ellory et Westlake remplissent mes étagères, avec, en tête de proue, Le poète de John Connolly. À cette époque, j'avais la fascination du Mal qui, si loin de ma réalité, se confondait dans la nécessité de trouver un éclaircissement à sa nature - si ce n'est de comprendre les motifs de son existence - ; et j'avalais donc ces romans comme on avale les séries True Crimes. 

    J'aimais surtout l'introspection psychologique qui sous-tendait l'enquête; l'explication du Mal se parait des troubles de l'âme, des passés traumatiques et des folies soudaines dont je me nourrissais, avec, je l'avoue, une certaine jubilation. Car, il n'y avait rien de plus grisant, en réalité, que l'énigme de la psychée, une enquête plus profonde que la recherche d'un coupable. 

    Mais à force de lecture, ces romans se mirent bientôt à tous se ressembler; et mon itinéraire de lectrice se caractérisant par des vagues finissant par se tarir, j'avais cessé de m'y intéresser. Jusqu'à ce que mon club de lecture me suggère L'ombre de la baleine de Camilla Grebe. 

     Ce roman joue sur plusieurs points de vue en donnant voix à trois narrateurs : celle du policier Manfred, dont la fille est hospitalisée, celle de Pernilla, mère célibataire soumise à sa congrégation, et celle de son fils Samuel. Cet adolescent rebelle, au parcours troublé, trouve refuge sur une île isolée, embauché par Rachel afin de veiller sur son fils Jonas, plongé dans le coma. Et alors qu'il tente d'échapper aux trafiquants qui le traquent, sa mère Pernilla part à sa recherche, tandis que le tandem de flics, composé de Manfred et de Malin, repêche des cadavres de jeunes hommes sur les côtes de l'archipel de Stockholm. 

     Ce polar nordique n'échappe pas aux codes de son genre. Si l'angoisse oppressante des grands espaces, du froid et des nuits polaires, la tonalité austère et sombre propre à son exotisme, sont moins manifestes que celles dépeintes chez d'autres de ses pairs, la critique sociale est, au contraire, bien présente. La prise de conscience sur les phénomènes sociaux - trait particulier aux polars nordiques - se manifeste avec une certaine lucidité critique : Camilla Grebe, par le truchement de ses héros, questionne les dérives d'Internet et des réseaux sociaux. Un chapitre est consacré à une théorie sur le narcissisme, quelque peu interessante puisqu'elle montre combien le système de likes change notre vision du monde; quand d'autres se limitent à des allusions critiques : voyeurisme, fraude, dictature de l'apparence, fake news. 

    Je n'ai certes pas retrouvé l'enthousiasme de mes premiers émois littéraires du genre. La psychologie, analysée par le prisme des médias et des réseaux sociaux, est intéressante mais manque, selon moi, de la profondeur trouble et sombre de l'âme. Le Mal, ici, est aussi illusoire que la superficialité des selfies et des likes; et si l'autrice l'agrémente de motifs religieux, il ne s'inscrit pas dans la polarisation du Mal pur : il est la victime d'un monde futile et frivole. 

    Un Mal de surface et non d'abîme. 




mardi 16 septembre 2025

Avenue des mystères - John Irving

 




    Il y a des auteurs, comme John Irving, très connus, très médiatisés, que l'on découvre sur le tard; si tard que sa bibliographie nous échappe et qui, lorsque l'on appréhende enfin son œuvre, se découvre avec son titre le moins bien noté. Et c'est ce qui m'est arrivé avec Avenue des mystères, même si tout cela n'est, en partie, que le fruit du hasard. 

    Parce que j'ai toujours éprouvé une curiosité inexpliquée pour la religion, j'ai été attiré par ce titre dans lequel s'opposent deux statues de Vierges ennemies, l'une blanche, la Vierge Marie, l'autre noire, la Vierge de Guadalupe.

    Parce que j'ai développé une récente affinité pour l'Amérique du Sud, j'ai été attiré par ce titre aux couleurs mexicaines, par les promesses de la ville d'Oaxaca et du pèlerinage littéraire au cœur d'une culture qui m'est mystérieuse - et captivante. 

    Et enfin, attirée par l'histoire, qui retrace celle de Juan Diego, un écrivain américain célèbre, qui se rend à Manille pour honorer une vieille promesse. Entre deux ingurgitations de bêtabloquants et de Viagra, ce héros vieillissant et infirme poursuit un voyage entre réminescences oniriques de son enfance et pérégrinations réelles, du Japon aux Philippines. Au cœur de son odyssée, s'ajoutent des personnages déjantés, une mère et sa fille nymphomanes, un jésuite pratiquant l'auto-flagellation, une sœur qui lit dans les pensées, et surtout beaucoup de chiens. 

    Mais - et malgré ces ingrédients prometteurs - Avenue des mystères s'essouffle rapidement. Il s'étire et se charge, sans rien apporter à la résolution de l'intrigue que l'éclairage du surnaturel; une magie un peu baroque pour justifier ces manques. Non pas que cet argumentaire soit une critique, au contraire, le réalisme magique a toujours de quoi ravir mon imaginaire. Mais ici, il s'éparpille dans un grand bric-à-brac composé de fantômes, de rêves, de presciences et de miracles; sans rien n'apporter de plus que sa saveur surréaliste et poétique dans un récit inutilement long, cacophonique et parfois confus.

    Cependant, dans cet imbroglio où le temps de la narration est fragmenté, parfois enchevetré, entre le passé du héros et son présent, le talent de conteur de John Irving se décèle. Car un tel auteur ne jouit pas de notoriété pour rien : même dans Avenue des mystères, le style, l'art de la narration, l'originalité sont indéniablement là. Si ma lecture s'est vue parasiter par l'essoufflement et l'incompréhension, je ne peux nier que l'écriture, en elle-même, empoigne le lecteur. Car, oui, elle embarque. Non pas seulement par sa fluidité et sa prise en main accessible, mais par sa manière de raconter. Malgré les alternances d'une histoire à l'autre, les digressions didactiques sur les cas de rage chez les lions ou sur la religion, John Irving sait manier le récit et propose une incursion singulière dans son imaginaire. 

    J'ai aimé tout en ne l'ayant pas aimé. Ce roman -qui n'est pas le plus abouti du corpus de John Irving selon les critiques - flirte entre le raté et le brillant; car dans ce qui ne marche et n'atteint pas, s'entrevoit la qualité de l'écriture et la richesse de l'univers. 

    En gros, mon raté à moi, c'est d'avoir découvert John Irving par le mauvais titre. 

lundi 15 septembre 2025

Les Hauts de Hurlevent - Emily Brontë

 




L'exercice de s'attaquer à un grand classique est difficile. Car, que puis-je apporter de plus qui n'a pas déjà été dit mille fois ? Quel nouvel éclairage pourrais-je avancer sur des siècles d'analyse sinon mon modeste ressenti ?

Mon lien avec Les Hauts de Hurlevent remonte à l'adolescence et mon exemplaire, bien qu'édité en 1995, témoigne de ce temps révolu : les pages sont vieillissantes et la couverture, couverte de plis et de rides. Il porte, en réalité, les stigmates des manipulations furieuses de mes premiers émois littéraires; il est le gardien d'un temps certes dépassé mais qui m'est cher : celui de mes 14 ans, où solitaire et isolée, je trouvais meilleure compagnie avec Jane Austen et les soeurs Brontë. 

 Avec les années, bien sûr, l'histoire s'est effacée quelque peu de ma mémoire. Il me restait en tête une impression de gothique romantique, ou les passions violentes s'éternisaient jusque dans la mort. L'image des landes tumultueuses, toujours dessinées sous la pluie et la neige, ne m'a, elle aussi, jamais tout à fait quitté. Mais, trente ans plus tard, Les Hauts de Hurlevent se pare du regard mature d'une femme que le romantisme, ou plutôt l'idéalisme romantique, ne séduit plus; et sa relecture m'est alors apparue inédite. Heathcliff, autrefois auréolé des désirs d'adolescente - quelque peu colorés de bovarysme, je dois l'avouer- s'est révélé bien trop cruel pour me plaire; et la passion, hier si prompt à enflammer mon imaginaire, s'est substituée au spectacle de la vengeance. 

Car Les Hauts de Hurlevent est surtout une œuvre que la rage, la jalousie et la haine ne cessent d'entretenir. Le roman est une fresque " pleine de bruit et de fureur", et ses couleurs ne portent rien de moins qu'une certaine esthétique de la cruauté. La mort y est obsédante, si peu libératoire qu'elle subsiste au-delà de son aboutissement; les protagonistes deviennent des ombres fantomatiques et la maison, le mausolée de leur errance. La souffrance et la haine gangrènent les personnages dans un récit cyclique dans lequel s'enchâsse la fatalité, l'inéluctabilité, de leur destin. Et si le roman est l'expression d'un amour destructeur, incapable d'échapper au leg de la violence, il est aussi l'incarnation d'une malédiction.  

Mais ici, j'assume que tout lecteur aurait connaissance de l'histoire des Hauts de Hurlevent; et si je résiste à me lancer dans l'exercice du résumé, c'est bien parce qu'il y a tant à dire que je ne saurais le réduire en peu de lignes. Et pourtant, je m'y prête au nom de la clarté : une famille anglaise, jusqu'ici heureuse, voit sa vie bouleversée par l'arrivée d'un jeune bohémien, Heathcliff, adopté et aimé par Mr. Earnshaw. Méprisé par les enfants de ce dernier, et cachant son amour pour Catherine, la fille de son bienfaiteur, Heathcliff prépare sa vengeance. 

Malgré la tragédie qui harcèle les pages, Les Hauts de Hurlevent demeure invariablement singulier; il suscite une fascination étrange qui s'amalgame de fébrilité et de terreur. À sa lecture, mes émois innocents d'adolescente se superposaient à l'effrayante observation de l'adulte, voyant la cruauté cachée partout. Heathcliff m'est apparu sous une nouvelle lumière, certes plus lucide mais bien plus obscure. La passion n'avait plus rien de la saveur des amours éternels mais bien celle de leur toxicité. Et pourtant, rien ne me fera fléchir sur l'unique certitude qui m'habite depuis l'âge de mes 14 ans : Les Hauts de Hurlevent est un chef-d'œuvre. Point. 


samedi 6 septembre 2025

Ce qui fait d'un roman un grand

 

Je lis beaucoup, de tout, et, le plus souvent, mes choix sont animés par deux démarches :

1 : Ne jamais trop me prémunir de préjugés sur le genre, la popularité d'une œuvre ou la réputation de l'auteur pour faire mon choix.

2 : Lorsque je découvre un auteur ou une autrice que j'aime, je lis toute sa bibliographie en mode groupie.

Mes sentiments sur mes lectures sont le plus souvent drapés d'un positivisme manifeste; il est rare que je m'étouffe d'ennui ou que je m'étrangle d'outrage. Et si l'on peut certes m'accuser d'un certain prosaïsme de jugement ou d'un excès d'indulgence, la faute en revient à ma naïveté et à mon incapacité à voir le mal partout. (Et aussi, en partie par lâcheté car il m'est insupportable de m'imaginer en conflit avec un égo blessé).
Néanmoins, je suis comme tout le monde, je catégorise, je hiérarchise et je juge.
Il y a des romans qui seront toujours placés sur l'autel des GRANDS, et d'autres, sur l'étagère des petits.


J'ai beau lire de tout, Germinal d'Émile Zola, Voyage au bout de la nuit de Céline ou Les Possédés de Dostoïevski seront toujours, pour moi, des chefs-d'œuvres. George Sand, Victor Hugo, Jules Vernes, Charles Dickens, Leon Tolstoï, Marcel Proust, Gabriel Garcia Marquez, Alexandre Dumas, les soeurs Brontë et Jane Austen seront toujours mes héros, parce qu'il n'existe pas un de leur roman qui n'ait pas férocement marqué mon existence.


J'ai beau lire de tout, les romans qui s'adonnent à l'hyper simplification stylistique, la réduction des nuances, la production de stéréotypes au profit de la paresse intellectuelle, me feront toujours éprouver de la frustration. Narcissiquement, je n'aime pas qu'un auteur prenne ses lecteurs pour des imbéciles - et ici, je parle aussi des intellectuels écrivant pour leur communauté élitiste ou qui ont l'outrecuidance de réinventer la langue.


J'ai beau voir ces auteurs classiques comme ce qu'il y a de meilleur au monde; pourtant, des écrivains contemporains acquièrent, pour moi, l'envergure de leurs célèbres prédécesseurs. Je pense, par exemple, à Fanie Demeule. Et bien que mon assertion soit biaisée par l'admiration récente que je lui porte, me vient cette réflexion sur ce qui la dresse, pour moi, sur le même autel que ces GRANDS là.


Pour distinguer les grands romans des autres, Milan Kundera parlait de petit et de grand contexte. C'est le dépassement de la seule volonté individuelle de s'exprimer ou de dire une vérité nationale qui exclut les grands romans du petit contexte : ils transcendent l'époque, les débats et les idéologies du jour, pour réinventer le monde. Certes, sur le plan formel, ils portent une esthétique élevée, et bien que conscients des traditions historiques et romanesques, ils explorent les possibilités et repoussent les limites. En gros, sur le terrain de la composition et de la poétique, ils s'amusent et proposent des formes inédites. Mais, surtout, ils éclairent des enjeux existentiels jusqu'ici jamais explorés.


Mais ce concept s'applique-t-il encore à notre époque où la littérature de masse envahit les rayons des librairies ? Parmi l'excès de choix, la sur-production de littérature commerciale, la répétition inaltérée des mêmes histoires, des mêmes enjeux sociaux et des mêmes formes romanesques, peut-on distinguer une seule œuvre et la placer dans le grand contexte cher à Kundera ? Ou s'agit-il de s'appuyer sur la tendance lancée par un booktubeur pour lui attribuer ce titre ?


Sans vouloir être cynique, il me semble impossible aujourd'hui d'appliquer le regard de Kundera sur un roman du XXIe siècle. Je crois que l'idée de "grandeur", cette monstruosité qui dresse un roman sur une rangée plus haute, repose sur la marque qu'il laisse derrière lui. Cette marque est profondément individuelle. Assurément subjective, mais valide. Parce que je crois qu'il ne reste plus que cet instant rare et fragile, mais magique, où un roman transcende notre existence de lecteur en proposant quelque chose de neuf sur le terrain des récurrences romanesques.


À force de lire, trop lire peut-être, les romans finissent un peu par tous se ressembler. Il ne s'agit pas, ici, d'y voir un réquisitoire, au contraire, je suis convaincue de l'utilité du recyclage des clichés, des uniformisations thématiques ou des conformités éditoriales pour l'écosystème littéraire. D'un point de vue personnel, il y a des expériences littéraires qui ont besoin d'être rejouées. Mais justement, le GRAND roman ne devient-il pas alors celui qui, sur l'éternel retour des sentiments éprouvés, y fout un bon gros coup de pied pour en susciter d'autres ? Et qui dès lors, laisse une empreinte si importante qu'elle nous hante encore, des années plus tard ?


Être GRAND n'est alors plus tout à fait une affaire de consensus culturel, mais bien celle d'une résonance individuelle. Les petits, qui n'en demeurent pas moins bons, ont au contraire cette saveur d'éphémérité qui escorte l'instant, divertit, apaise même; mais dont le retentissement s'amalgame aux émotions renouvelées.


Après avoir lu Du ventre des montagnes de Fanie Demeule, j'y pense encore. J'ai en tête son histoire comme une entaille profonde dans le ventre. Les émotions éprouvées sont encore vives, la texture du papier sous mes doigts, le corbeau enchâssé sur la toile grise, et mon impression, une fois la dernière page tournée, d'avoir vécu quelque chose d'inédit.


C'est là, je crois, la nouvelle distinction d'un grand.


Sur la surface lisse d'un seul cœur, il perce et fait trembler. Il ne s'oublie pas.



jeudi 4 septembre 2025

Traverser la tempête avec un sombrero - Geneviève Brouillette

 



    
    J'ai attendu longtemps avant de pouvoir lire ce roman. Alors que je cherchais à le réserver sur le site de ma bibliothèque favorite, je me suis aperçue que Traverser la tempête avec un sombrero bénéficiait déjà d'un petit succès : j'étais cinquième sur la liste d'attente. Il ne m'en a pas fallu davantage pour me convaincre qu'il y avait là quelque chose qui plaisait, du moins qui attirait le public, sans savoir si cette chose reposait sur la notoriété de Geneviève Brouillette (actrice québécoise) ou sur la qualité de son oeuvre. Néanmoins, j'étais curieuse, et lorsque qu'il fut enfin à ma disposition - même si cinq livres attendaient d'être lus - je n'ai pas hésité à lui donner l'exclusivité. 

    Dès l'incipit, j'ai su que, même si le livre ne se révélait pas bon, j'aimerais la sensibilité de l'autrice; en trois phrases, elle parvenait à figer l'expression de mes propres hésitations : " Ceux dont la boussole intérieure indique toujours la bonne direction à suivre m'impressionnent. Ancrés dans leurs certitudes, ils avancent sans hésiter, atteignent leurs objectifs dans des délais convenables et ne se laissent pas détourner de leurs valeurs profondes. Ma boussole pointe dans tous les sens, comme une girouette affolée ". Il y avait là une saveur qui caresse l'âme et touche le coeur, j'aime les incertitudes, les errances et les chemins embrouillés, car ils parlent des fragilités des hommes, mais en réalité, surtout des miennes. 

    Traverser la tempête avec un sombrero a cependant quelque chose de léger, qui flirte un peu avec le genre de la chick lit, la rhétorique gnangnan en moins. C'est là, je crois, ce qui m'a fait apprécier cette lecture : la maturité de l'écriture sur un récit conventionnel. Geneviève Brouillette, malgré le ton léger et humoristique et l'utilisation d'éléments clichés propre au genre chick lit, reste authentique et ne prend pas ses lecteurs pour des décérébrés. Sous sa forme aérée, le roman pose de vraies questions sociales, en particulier celles du sort des migrants au Mexique. 

    Traverser la tempête avec un sombrero est l'histoire de Julie, une ex-productrice d'un jeu-questionnaire télévisé à succès, qui, après avoir posé un geste répréhensible, n'a d'autre choix que de se faire oublier. Elle se réfugie au Mexique, elle accepte d'aider sa voisine, propriétaire d'un refuge animalier.

    Alors oui, c'est léger, parfois même, un peu long. On y retrouve les codes et les clichés de la chick lit : une héroïne à la vie bouleversée qui " se retrouve" au soleil, une petite romance qui n'est pas l'essentiel, la proximité du monde dans lequel nous vivons avec ses travers ( le stress, la performance, la pression sociale ) et bien entendu, l'image de la femme forte et indépendante. Mais, le roman se laisse lire avec cette facilité qui nous empoigne : on s'entiche de Julie, on veut suivre ses pas et connaître son histoire. 
    Alors oui, c'est lèger, mais c'est sympa. 

  
 
    

vendredi 29 août 2025

Quand l'inspiration ne vient pas

 

    Depuis mon dernier article, il y a eu deux autres lectures et je me demande, parce que je n'ai éprouvé qu'une espèce de creux superficiel qui me les a fait survoler, s'il est nécessaire de les chroniquer. 

    Ces deux romans sont près de moi et je les feuillette, cherchant quoi en dire, sauf que ne me vient que l'insuffisance des mots : l'un a échappé à ma conscience - je ne sais pas ce que j'ai lu - et l'autre, m'a déstabilisé par sa plume. Le premier est Le livre de sable, un recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges, le deuxième Fuki-no-tô de Aki Shimakazi. 

    Ces deux auteurs ne sont pourtant pas de sombres inconnus; il y a dans leur sillage, une reconnaissance, une notoriété littéraire qui les élèvent sur l'autel des grands. Ils sont étudiés et des thèses sur leurs oeuvres sont publiées. Et pourtant, je regarde ces deux titres avec incompréhension, humant même l'odeur de leurs pages en quête d'un mouvement, n'importe lequel, une inspiration ou une illumination. Mais rien ne me vient, sauf le sentiment d'avoir commis une erreur : j'aurais peut-être dû découvrir Borges avec un autre titre et lire Shimakazi dans le bon ordre (Fuki-no-tô est le quatrième roman d'un cycle composé de cinq livres). 

    Si je me prête à lire les critiques rédigées sur la toile, chacune réhaussée des quatre ou cinq étoiles mélioratives, ma confusion s'épaissit dans d'interminables questionnements : qu'est-ce que j'ai raté ? Qu'est-ce que je n'ai pas compris ? Borges m'a entraîné dans une telle déroute de l'esprit que j'ai oublié la plupart des nouvelles, et la plume de Shimakazi, très simple, très clinique, très directe, m'a inspiré du détachement. Quand vient l'heure d'écrire, portée par cette nécessité que j'éprouve de poser des mots, de lancer quelque chose dans le monde par l'écriture, je voudrais rendre justice à ce qui m'anime. Mais si rien ne m'inspire - sauf de parler justement de ce manque d'inspiration - est-il utile de chroniquer chacune des oeuvres que je lis ? 

    Je crois que non. Je crois que je peux m'affranchir de ces obligations que je m'impose à maintenir un blog qui retrace exactement mon parcours de lectrice. Il y aura des manques. Des oeuvres qui échapperont à l'écriture.

    Ce blog ne s'adresse qu'à moi, après tout. Il est heureusement seul et solitaire dans cette profusion de pages et de sites qui habitent la toile. Sa vocation est de parler de ce qui me touche, me heurte et m'interroge. 

    Juste pour moi. Juste pour écrire. Juste, comme disait Borges, " pour adoucir le cours du temps". 

    

mercredi 27 août 2025

Les dangers de fumer au lit - Mariana Enriquez

 



    J'aime tellement ces moments de révélations littéraires où un roman marque mon parcours de lectrice. J'adore qu'un auteur émerge parmi tous les autres. Qu'il devienne une inspiration, une référence, et qui, lorsque je me prête à rêver, devient ce phare lumineux, plein de cette grâce qui réveille les ambitions et les désirs; et qui me fait dire, avec une assurance presque entière : " voilà ce que j'aimerais écrire ". 

Après Fanie Demeule - qui a foutu, avec Du ventre des montagnes, un gros coup de pied dans ma douce trajectoire de lectrice  - voici Mariana Enriquez et son recueil de nouvelles, Les dangers de fumer au lit. Ces deux autrices m'ont ouvert les portes d'un autre monde; et je m'y suis engouffrée, me ravissant de leurs plumes et de leurs histoires, mais surtout de leur hardiesse, de cette liberté qu'elles prennent pour oser aller aussi loin, dans l'horrible et le magnifique. 

Avec ce recueil, Mariana Enriquez propose une expérience au coeur de l'horreur humaine, et donne voix à ses névroses et ses abîmes, sans pudeur ni tabou. Elle offre une immersion dans une réalité magique, où les fantômes à la dérive et les corps en putréfaction se couplent aux femmes affamées et obsédées; où horreur et malsain s'amalgament au décor de l'Argentine et aux rues de Buenos Aires. Ce recueil est une invitation dans un imaginaire horrifique et surnaturel, fait d'ambiances décalées, cimentées à la fois dans le quotidien moderne et l'Histoire. L'horreur dans une société bien réelle où sexualité, fanatisme et obsession se déchaînent à la frontière du fantastique et de la folie. 

Je sais que je suis d'un naturel permissif, optant souvent pour l'indulgence, et ce, moins par crainte de me retrouver dans une situation de conflit que de trouver les nuances évitant la polarisation des idées. Mais derrière ma faiblesse de coeur se cache une admiration sans borne pour ces auteurs qui osent et qui, sans prendre de gants, creusent dans l'indicible et le révèlent sous sa forme la plus brute. J'aime cette liberté de l'écriture qu'ils parviennent à saisir complètement, sans fioriture ni emballage, pour explorer les voies souterraines du monde; et si elles ne sont pas belles et dénuées de tendresse, la plume, elle, parvient à distiller cette poésie gothique qui rend leurs existences incroyablement fascinantes. 

Mariana Enriquez est, pour moi, l'incarnation de cette audace.