mercredi 27 août 2025

Les dangers de fumer au lit - Mariana Enriquez

 



    J'aime tellement ces moments de révélations littéraires où un roman marque mon parcours de lectrice. J'adore qu'un auteur émerge parmi tous les autres. Qu'il devienne une inspiration, une référence, et qui, lorsque je me prête à rêver, devient ce phare lumineux, plein de cette grâce qui réveille les ambitions et les désirs; et qui me fait dire, avec une assurance presque entière : " voilà ce que j'aimerais écrire ". 

Après Fanie Demeule - qui a foutu, avec Du ventre des montagnes, un gros coup de pied dans ma douce trajectoire de lectrice  - voici Mariana Enriquez et son recueil de nouvelles, Les dangers de fumer au lit. Ces deux autrices m'ont ouvert les portes d'un autre monde; et je m'y suis engouffrée, me ravissant de leurs plumes et de leurs histoires, mais surtout de leur hardiesse, de cette liberté qu'elles prennent pour oser aller aussi loin, dans l'horrible et le magnifique. 

Avec ce recueil, Mariana Enriquez propose une expérience au coeur de l'horreur humaine, et donne voix à ses névroses et ses abîmes, sans pudeur ni tabou. Elle offre une immersion dans une réalité magique, où les fantômes à la dérive et les corps en putréfaction se couplent aux femmes affamées et obsédées; où horreur et malsain s'amalgament au décor de l'Argentine et aux rues de Buenos Aires. Ce recueil est une invitation dans un imaginaire horrifique et surnaturel, fait d'ambiances décalées, cimentées à la fois dans le quotidien moderne et l'Histoire. L'horreur dans une société bien réelle où sexualité, fanatisme et obsession se déchaînent à la frontière du fantastique et de la folie. 

Je sais que je suis d'un naturel permissif, optant souvent pour l'indulgence, et ce, moins par crainte de me retrouver dans une situation de conflit que de trouver les nuances évitant la polarisation des idées. Mais derrière ma faiblesse de coeur se cache une admiration sans borne pour ces auteurs qui osent et qui, sans prendre de gants, creusent dans l'indicible et le révèlent sous sa forme la plus brute. J'aime cette liberté de l'écriture qu'ils parviennent à saisir complètement, sans fioriture ni emballage, pour explorer les voies souterraines du monde; et si elles ne sont pas belles et dénuées de tendresse, la plume, elle, parvient à distiller cette poésie gothique qui rend leurs existences incroyablement fascinantes. 

Mariana Enriquez est, pour moi, l'incarnation de cette audace. 
    
    

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