Il y a eu d'autres lectures entre ce roman et le précédent chroniqué sur ce blog, mais le désir d'écrire ne s'est manifesté qu'avec La Realidad de Neige Sinno. Et malgré ce désir, comme d'habitude, je me confonds dans mes doutes. Car je l'ai aimé ce roman qui n'en est pas un; et je voudrais pouvoir en parler sans me lamenter du vide sidéral qui accapare mon cerveau. De la fatigue qui l'afflige depuis deux ans. Des complexes qui le convainquent de ses insuffisances.
Je voudrais rendre justice au roman sans l'abîmer par mes failles narcissiques. Avoir des réflexions éclairées et hautement compétentes pour rebondir sur les propos politiques et sociaux qu'il contient : le mouvement zapatiste de libération nationale au Mexique, la lutte des femmes contre les violences sexuelles, les circonvolutions de la pensée de l'autrice sur sa blanchité dans un pays qui n'est pas le sien. Mais, il n'y a rien que je puisse faire que de tenter d'être fidèle aux phrases et aux observations de l'autrice, en veillant à ne pas les extraire de leur contexte et en évitant les biais égotistes qui les transforment.
Ce n'est pas un roman, ai-je dit, car c'est plutôt un essai, saupoudré de récits et de questionnements personnels, mais aussi d'analyses et de réflexions sur des textes d'Antoine Artaud et de J.M.C Le Clézio. Il retrace le parcours de l'autrice qui, à l'âge de vingt-cinq ans et en compagnie de son amie Maga, décide de partir sur les traces de Marcos, chef de l'armée zapatiste, auquel elles souhaitent remettre des livres sur la théorie marxiste. Ce voyage au coeur du Mexique, qui tourne court, devient alors une quête initiatique, un parcours intellectuel, sensoriel et politique. Neige Sinno plonge son lecteur au coeur des combats zapatistes des années 2000 et dans le féminisme latino-américain; puis, au fil de sa pensée et de ses expériences, s'interroge sur le regard du "blanc" sur les réalités autochtones.
J'ai d'abord été séduite par la langue. Il y a chez Neige Sinno, une fluidité de la plume qui ne parasite jamais la lecture. Même dans ses passages les plus longs, sa rhétorique m'a suffisamment charmée pour maintenir mon attention. Ce qui heurte et interrompt s'opère davantage dans le discours; car les circonvolutions de la pensée de l'autrice tentent de démeler ses propres incertitudes. Elle s'interroge, pose les bonnes comme les mauvaises questions, car c'est de là que la pensée se cherche, puis se trouve. C'est cet égarement que j'ai tant aimé : il y a chez Neige Sinno le désir incontrôlable de donner du sens et de comprendre, un sentiment si familier qu'il m'a moi-même poussée dans une obsession des raisons implicites qui sous-tendent le monde. Jusqu'à ce que, comme l'autrice, je finisse par constater que l'impossibilité, l'incertitude et le non-sens existent - que tout ne s'explique pas, et que la réalité est mouvante et surtout, insaisissable.
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