De ma difficulté à prendre position - se traduisant le plus souvent par des avis mal déterminés - se manifeste parfois une polarisation nette de mes opinions. Alors que, pour certains romans, ma pensée peine à se former, d'autres suscitent une analyse claire de mes contradictions.
Poussières d'anges fait partie de ces romans qui me divisent, entre émoi duquel perle les larmes et mouvements de contrariété.
Cependant - et avant de m'avancer plus loin dans mon argumentation - je crois qu'il serait juste d'être transparente sur les biais personnels qui affectent parfois mes lectures. Le roman de Valérie Bidégaré traite du sujet difficile du deuil périnatal et donc, par association, de la maternité et du désir viscéral d'avoir des enfants. Nullipare assumée, je n'ai jamais, de mon expérience de femme, ressentie la nécessité de vivre cette espèce de sacerdoce de la nature : rien ne me prédestinait donc à saisir pleinement ce roman.
Mais, à travers l'histoire de Maude et de Mathieu se révèle la brutalité de la perte d'un nourisson. L'autrice ne prend pas de gants et sonde, extrait et dévoile la complexité et la douleur des émotions éprouvées. Du point de vue de la mère comme celui du père se trace le parcours d'une vie bouleversée : le roman laisse à ses deux protagonistes le temps de s'épancher et de déverser ces mille sensations, sentiments et idées qui les traversent.
Cette introspection au cœur de la douleur m'a, à plusieurs reprises, fait verser quelques larmes; me laissant penser qu'il y avait là, une transcription juste et authentique de l'expérience. Mais, l'approfondissement se teinte rapidement de redondance; la répétition de la narration se parant d'une certaine complaisance à l'égard de ses victimes. Si cet excès reste, sans doute, au plus prêt du parcours long et cyclique du deuil, d'un point de vue narratif, il lasse et contrarie. L'emphase sur le manque d'humanité et de professionnalisme des docteurs et du personnel soignant, s'il peut être effectivement ainsi vécu par les parents endeuillés, tournent au matraquage et laissent deviner, entre les lignes, une mise en accusation publique.
L'écriture, quant à elle, si elle réussit à toucher lors de certains passages, se pare parfois de factualité, ce qui apporte au récit une certaine tonalité didactique. L'autrice, par souci de justesse - et peut-être par déformation professionnelle de journaliste - ajoute des éclairages additionnels, dégageant le lecteur du travail intuitif d'inférence.
Mais si mon analyse peut sembler sévère, je dois reconnaître - et c'est ici la démonstration exemplaire de mes avis partagés - que Poussières d'anges m'a sensibilisée à un aspect de la vie si éloignée du mien qu'il m'échappe et même s'ignore, me reconnectant, avec humilité, aux tragédies de ce monde.
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