Parfois, je me surprends à ne rien penser d'un livre. Dès la dernière page tournée, l'instant de réflexion se limite au sentiment de l'avoir aimé. Ou pas. Je suis animée par la confusion d'avoir à trouver des arguments pour le justifier sans y parvenir; ne subsiste rien d'autre qu'une impression intuitive, sobre et parfois, ridiculement manichéenne.
Parfois, j'attribue cette absence de réflexion à mes limitations intellectuelles ou à mon inhabilité à prendre position. Parfois, je me dis que certains romans font simplement vivre de bons ou de mauvais moments, échappant ainsi, entre les lignes, à l'exercice de l'analyse.
Bibitte à sucre fait parti de ses romans qui se soustrait à l'examen littéraire et à cette inspiration folle et impérative que j'éprouve à écrire sur eux. Mon constat se borne à un bon moment et à une lecture agréable, sans plus. La faute en revient, je crois, à la stylistique hautement familière. Elyse A.Héroux écrit avec la verve du langage parlé et du registre courant, s'affranchissant volontairement du style soutenu. Elle propose ainsi une expérience de l'ordre de l'ordinaire - non pas dans son acception du banal ou du quelconque - mais dans celle du commun et du quotidien . Bibitte à sucre, c'est une bonne copine qui raconte son histoire autour d'un café.
La bonne copine, c'est Julie Romain, qui, en pleine quarantaine, décide de changer de vie. Le roman se structure autour des six semaines précédant son départ : six chapitres qui témoignent de l'impact de celui-ci, des changements d'habitude, des liens familiaux et amicaux qui se renouent ou se dénouent. Progressivement, l'histoire de Julie s'étoffe, puis se révèle, authentique, sans les filtres des apparences. Sa décision de partir s'éclaircit alors à la lumière de son passé, des gens rencontrés, puis s'ancre et prend tout son sens.
Et alors que je m'efforce de trouver quoi écrire, luttant contre mon absence de pensées, me vient le devoir de coucher l'unique sentiment éprouvé : intuitivement, subsiste quelque chose de l'ordre de la légèreté. Car ce roman n'est pas un récit qui se contente de survoler les drames, mais plutôt de les désamorcer. Malgré les étapes difficiles relatées par l'héroïne, Bibitte à sucre maintient, imperturbablement, son ton comique et désinvolte, décelant, grâce au style et à sa tonalité, toute la gaieté et l'humour dans le tragique.

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